Tuesday, August 4, 2015

Chronologie du Génocide Arménien



A. Résumé :

A-1. Les événements qui se sont déroulés dans le courant du démantèlement de l'empire Ottoman, et dans le feu destructeur de la première guerre mondiale, ayant coûté la vie à des millions d'individus, soldats et civils, se sont gravés dans les mémoires et ont bouleversé le cours de l'histoire. Sans aucun doute, la question du génocide arménien, les déportations et les autres migrations massives ont fait couler beaucoup d'encre. Il existe sur le sujet du génocide arménien de très nombreux articles publiés, nous allons dans le présent article nous arrêter sur certains aspects des événements qui sont peu connus en dehors des milieux académiques.

A-2. Le cadre socio-économique du génocide arménien est historiquement l'une des pages les plus sombres de l'histoire de l'humanité. Cinq millions des dix-huit millions six-cent-mille morts suscités par la première guerre mondiale seront des ottomans (26,9%), dont 4.800.000 civils. Les ottomans, assaillis de toutes parts par des troupes armées provenant de l'Inde britannique, de l'Angleterre, de la France, de l'Italie, de la Russie, de la Grèce, de la Nouvelle Zélande et encore d'autres contrées, confrontés d'autre parts à une migration massive de ressortissants en provenance des quatre coins de l'empire, fuyant des Balkans, du Proche-Orient, du Yémen, du Caucase tous occupés et encore depuis d'autres régions perdues aux fronts, étaient secoués socio-politiquement d'une façon inédite rarement observée dans l'histoire du genre humain. L'empire en agonie souffrira finalement de cinq millions de morts en huit ans, sans compter les réfugiés, migrants, blessés, veuves ou orphelins. Cinq millions représentant à l'époque 23,5% de la population ottomane d'avant guerre (! un peu moins d'un ottoman sur quatre), ou encore 3,3‰ de l'ensemble de la population mondiale de 1914. Rares sont les guerres ayant coûté la vie à une telle masse de population à l'échelle mondiale sur une durée aussi courte.


Secouristes américains du Near East Relief accueillant les arméniens déportés en Syrie, avec l'autorisation d'Enver Pacha contrôlant encore la zone jusqu'à l'armistice de Moudros. La notice rappelle que les jeunes Arméniens constituaient près de la moitié des troupes françaises dans la région et étaient surveillés par la gendarmerie avant la réimplantation (voir infra doc.1.)


Révolutionnaires arméniens armés


Autres milices arméniennes

 
A-3. Nous citerons au cours de notre article, des sources primaires en ottoman, chose fort rare dans la plupart des articles académiques traitant de notre sujet. Cela s'expliquant par le fait que les chercheurs maîtrisant l'ottoman sont une exception parmi les chercheurs ayant écrit sur le sujet, et ne rendent que très sporadiquement cette dimension anthropologique et socio-économique en cadrant les événements, ne pouvant les déchiffrer à cause de la barrière linguistique.
 
A-4. Nous nous arrêterons au sujet de l'implication des éléments de l'Organisation Spéciale (تشکیلاتمخصوصه) dans les massacres d'arméniens dans les attaques des convois qui est rarement décortiquée ou non soumise à une analyse rigoureuse et critique. La partie écrasante des historiens ayant écrit sur le sujet ne pouvant se fonder que sur les rares ouvrages d'historiens spécialisés sur le sujet, à cause de la barrière linguistique les empêchant d'accéder directement aux sources primaires. Nous allons nous pencher sur ces points, et encore d'autres qui exigent une analyse documentée.


B. Conjoncture Socio-Politique :
B-1. L'espoir d'une Arménie indépendante et l'insurrection :
B-1.1. Depuis la reconnaissance internationale de l'indépendance de plusieurs états dans les Balkans et plus particulièrement à partir du traité de San Stefano tenu à Berlin en 1878, les arméniens de l'empire Ottoman, avec l'instigation du clergé et des intellectuels arméniens, escomptaient également d'instaurer une Arménie autonome. La création de la Fédération Révolutionnaire Arménienne (Դաշնակ), la Tachnak douze ans plus tard en 1890 conduisant à des soulèvements populaires arméniens et des actes de provocation augmentant vite en degré de violence allant marquer un tournant très sensible dans le territoire Ottoman.
Mikael Varandian, ancien dirigeant de la Tachnak, écrit ceci à ce sujet : « Il n'y a peut-être jamais eu de parti révolutionnaire qui ait une aussi riche expérience des méthodes terroristes que la FRA. (…) Le Dachnak a produit les caractères les plus forcenés du terrorisme, et formé plusieurs centaines de maîtres du pistolet, de la bombe et du poignard [1]. »
Yves Ternon écrira : « La stratégie insurrectionnelle ou subversive utilisée par les deux partis révolutionnaires arméniens [Dachnak et Hintchak] au cours des années 1890-1896 débouche sur la répression, non sur l'intervention souhaitée des Puissances comme ce fut le cas naguère pour la Bulgarie (1878). Les partis révolutionnaires arméniens mesurent mal les paramètres de la politique d'équilibre entre les Puissances (rivalité anglo-russe) et la situation géopolitique des communautés arméniennes [2]. »
B-1.2. Les soulèvements armés et revendications des arméniens suscitaient de sévères sanctions venant tant de la part de la population vivant dans les mêmes régions qu'eux, du fait que la population cohabitant avec les arméniens craignait de se retrouver sous le joug des puissances ennemies russes, françaises, italiennes, anglaises, ou autres, et craignait de périr comme tous les autres compatriotes des quatre coins assiégés de l'empire, ou redoutait de devoir comme eux migrer. Mais les arméniens essuyaient également par périodes de sévères représailles venant des autorités. La sécurité des arméniens devenait dès lors une problématique épineuse pour l'empire Ottoman, et pour ses ennemis historiques de l'Occident.

(doc.1) Communiqué au ministère des affaires étrangères de France (3 décembre 1918) dans lequel, le président de la délégation arménienne se félicite de la participation des arméniens contre les troupes ottomanes "sur tous les fronts", en particulier avec 150.000 arméniens parmi les troupes russes ou encore non moins que la moitié des contingents français en Syrie


 
B-1.3. Le soutient contre le pouvoir en place des arméniens de l'empire se relevait par ailleurs avant la guerre totale chez l'intelligentsia arménienne, lorsque le mouvement des jeunes turcs commençait à sortir de l'ombre. Les arméniens ayant donné un soutient explicite à ceux-ci et ayant de même activement participé au coup d'état qui destitua le parlement et le sultan Abdulhamid II, et ayant initié la montée au pouvoir du Comité Union et Progrès. Aussi, il n'est pas surprenant que 33 arméniens ont été érigés au parlement au XIXeS, dont 12 parlementaires arméniens se retrouvant au pouvoir au sein du parlement au moment des déportations massives et ses conséquences dévastatrices.


B-2. Dimensions socio-politique des déportations :

B-2.1. Le programme de déportations officiellement justifié au sein du parlement comptant 12 parlementaires arméniens (cf. infra), comme moyen extrême pour organiser la défense des fronts contre les assaillants, souffrait par ailleurs d'autres complications socio-politiques.

B-2.2. La masse de la population arménienne des villages se trouvait cisaillée entre les assaillants, les jeunes insurgés et les répressions tant populaires que venant du pouvoir Ottoman.

B-2.3. Cette crise sociale étant d'autre part empirée du fait que la population ne comprenait pas ou que rarement le turc. Cela augmentant les craintes et la panique de se retrouver embarqués par milliers dans des wagons, justifiant les évasions et  les spéculations les plus terribles sur la raison de telles dispositions.

B-2.4. Les conditions cataclysmiques d'une guerre totale, ayant conduit le pouvoir Ottoman à vider certaines prisons aux fronts, libérant des brigands, dont certains attaquaient des convois en plus des représailles des tribus -en réponse aux agressions terroristes des jeunes insurgés selon l'usage des vendettas caractéristiques des kurdes-, et des migrants circassiens fuyant l'avancée russe.

B-2.5. La violence de certains officiers envers les arméniens ayant participé à l'occupation sur tous les fronts qui a coûté la vie à des proches de quasiment chaque ressortissant ottoman, causant l'effroi sur la finalité d'une telle déportation de masse.

B-2.6. La perte de contrôle progressive des provinces de destination du Sud et des chemins de fer, associée à l'ignorance chez les puissances assaillantes des lieux de réimplantations conduisant à la rupture de l'approvisionnement des camps progressive culminant fin 1918, et s'achevant officiellement le 1 novembre avec l'armistice de Moudros.


B-3. La liste des parlementaires arméniens au sein du parlement unioniste entre 1914 et 1918 selon les provinces :
  1. Stepan Chirajian (Ergani) 
  2. Vartkes Serengulian (Erzurum) 
  3. Artin Boshgezenian (Alep) 
  4. Bedros Hallajian (Istanbul) 
  5. Grikor Zohrab (Istanbul) 
  6. Onnik Ihsan (Izmir) 
  7. Garabet Tomaian (Kayseri) 
  8. Matyos Nalbantian (Kozan)
  9. Agop Hirlakian (Maras)
  10. Kegam Dergarabedian (Mus) 
  11. Dikran Barsamian (Sivas) 
  12. Medetian Ozep (Erzurum)

B-3.1. Lors du démantèlement du Comité Union et Progrès en 1918, et la décision de juger les exactions commises par les putschistes en cours martiale, il est remarquable que huit de ces parlementaires se trouvaient toujours pleinement actifs au sein du parlement. Y compris Matyos Nalbantian qui soutient ouvertement au parlement Ottoman que la fondation de l'Arménie est le droit légitime de son peuple, qui est appuyé par le Président Woodrow Wilson [3].

B-3.2. Dans un procès verbal d'une réunion des parlementaires à la Chambre datant du 18 novembre 1918 (cf. infra) [3], nous lisons que huit des parlementaires arméniens mentionnés plus haut demeuraient actifs au Parlement Ottoman, dont plusieurs participèrent à un débat sur la question des déportations : Artin Boşgezenyan, Dikran Barsamian, et Matyos Nalbantian prennent la parole. Tandis que nous lisons en bas de page du document qu'Ozep Medetian, Onnik Ihsan et Agop Hirlakian présents n'ont pas demandé à prendre la parole mais se sont contentés de voter. De même nous lisons en bas du document que les parlementaires : Bedros Hallajian, et Kegam Dergarabedian ne se sont pas présenté au parlement. Il ressort donc que huit parlementaires arméniens étaient toujours actifs après le démantèlement du Comité Union et Progrès durant les déportations, et après la fin des déportations.

B-3.3. Les parlementaires Stepan Chirajian, Grikor Zohrab et Vartkes Serengulian ayant été tués par des extrémistes ou exécutés en tant que membres de la FRA ou lui offrant un soutient manifeste.


B-4. synthèse d'un extrait d'un procès verbal d'une réunion organisée dans le parlement datant de 1916 [3] :

B-4.1. Dans ce document daté du 18 Tachri'ul awwal 1331 (lundi 26 novembre 1916) nous pouvons lire que certains parlementaires arméniens Ottomans soulèvent la question du sort des déportés.
§1. Ainsi, à la page 140 Artin Boshgezenian demande le droit de parole (p.140).

§2. Il mentionne plus loin que le peuple turc est sur la sellette du monde civilisé (on répond dans l'assemblée "faux"), il précise que le peuple turc ne doit pas être tenu pour responsable d'une partie d'entre-eux (p.141). 
§3. A la page 141, après le discours d'introduction d'Artin Boshgezenian, Mehmet Ali Fazil Efendi remercie Boshgezenian pour ne pas tenir tous les turcs ni l'organe de l'état (Vali, gendarmes et autres) pour responsables des exactions commises lors de la déportation. Voici infra la réponse d'Artin Boshgezenian rendu en français :
" Ce que je veux souligner, c’est que ce dont on accuse le peuple turc, ce crime énorme, a été réalisée par l’organisation antérieure, plus exactement par une organisation de brigands. Ce poids qui se trouve jeté sur le joug des turcs, son maillon le plus terrifiant –qui est la catastrophe arménienne- émanait d’un ordre central, ordre central qui a été mis en application par les officiers, en passant par les Valis, le Kaymakams, commandants de la gendarmerie, les commissaires de police, jusqu’aux gendarmes, les organismes spéciaux et autres. Or je connais des turcs pieux, saints, humain et cléments qui ont pleuré le sang à nos côtés. (cris, Bravo). Sont-ce des citoyens isolés ? Il y a des villes où résident des musulmans qui ont collectivement protesté à cette déportation injuste. Sans néanmoins parvenir à abroger ce commandement, en sorte que ceux qui s’y opposaient se retrouvaient éliminés du processus, et que tout un qui s’opposait aux commandements du gouvernement se trouvaient pendus devant leurs domiciles  [note 1]. " (Artin Boshgezenian)
§4. Boshgezenian fait ensuite un discours sur la civilisation et la primauté du droit humain sur les différentes origines et obédiences, et évoque le côté criminel de tout homme qui se réveille parfois tel un démon. Mais souligne que la catastrophe n'est pas imputable à tout le peuple turc. Et Mehmet Ali Fazil le remercie pour ne pas mêler tout le peuple turc dans les crimes commis dans le cadre des déportations (p.142).
§5. A cette intervention de Mehmet Ali Fazil, Boshgezenian répond que les membre de l'autorité ayant protesté contre ces exactions seraient limités en nombre tandis que ceux qui ont été impliqués dans des exactions seraient en grand nombre : le discours d'Artin Boshgezenian supra montre que le parlementaire arménien, qui parle de crime, fait allusion en fait à la déportation massive et le dépeuplement de l'Arménie (p.142).

§5. A cette remarque, Mehmet Emin Bey répond que les responsables des exactions sont aussi en nombre limité (p.142).

§6. Artin Boshgezenian répond que les individus impliqués sont fort nombreux, mais qu'il n'insinue pas que l'ensemble des responsables des régions concernées par le programme de déportation ont commis des exactions (certains ont refusé de déporter la population et ont été retirés de leurs postes) (p.142).

§7. Mehmet Emin Bey lui demande alors de partager tout ce qu'il sait sur la question en vue d'éclairer les parlementaires sur ses affirmations (p.142).

§8. Artin Boshgezenian explique alors qu'un individu dont il ne donne pas le nom se vante d'avoir transformé la zone de déportation dont il est responsable en un Hijaz (lieu de pèlerinage islamique bondé d'hommes) et que des turcs lui ont craché à la figure en guise de protestation (p.143).

§9. Boshgezenian évoque des enlèvements de jeunes femmes arméniennes par des ''insectes kurdes" et le manque de pro-activité des autorités à leur égard, et explique que les pays ancestraux des arméniens ont été vidés d'arméniens les poussant à abandonner leurs terres et leurs propriétés (p.143).

§10. Il continue ensuite en mentionnant la population déplacée vers Zor, et explique que le Vali qui gérait la région était sage et humain (Ali Souad bey). Il explique ensuite qu'un autre Vali impitoyable (Salih Zéki bey) a été envoyé à sa place [note. Ali Souad était accusé d'avoir laissé des déportés dangereux fuir à Alep et dans les alentours] qui se vantait d'avoir massacré 70.000 à 80.000 personnes, au point que les dépouilles des misérables formaient une monticule d'ossements entre Zor et Ra'sul ayn. Artin précise ensuite que les responsables impliqués ont été poursuivis en justice et inculpés (p.143).

§11. Mehmet Emin Bey intervient en disant qu'un seul responsable a été mis aux arrêts dans cette affaire (p.143).

§12. Sur quoi, Artin précise qu'il ignore combien ont été mis aux arrêts, mais qu'il sait que plusieurs ont disparu de la circulation sans être poursuivis (p.143).

§13. Il mentionne pour achever les exactions commises par Cerkez Ahmet et ses acolytes, et la mise à mort par pendaison du brigand responsable de l'assassinat de Varteks Tomayan, Grigor Zohrap et Stepan Chirajian. Il fait remarquer que Cerkez Ahmet a commis des crimes à Diyarbakir et Urfa, et que cela suggère qu'il a été transféré avec ses acolytes par des responsables politiques qu'il faudrait également identifier et poursuivre en justice (p.143). Artin suggère de poursuivre et condamner les criminels de guerre en cours martiale, lors du tribunal à venir, et montrer la bonne volonté du peuple turc (p.143). 
§14. Il mentionne la mise en place prochaine d'un tribunal militaire pour cette fin et continue en disant qu'en outre des responsables parmi les membres des organes de l'état, il faut aussi juger certains civils qui ont participé à des exactions. Il mentionne ensuite la grande hospitalité des gens de Moussoul à l'égard des déportés et demande pardon pour avoir pressé les parlementaires (p.144).
§15. Osman Saib répond alors à Artin que cela suffit, et que des musulmans de Van aussi témoigneront au tribunal (p.144).

§16. Ilyas Sami Efendi (un parlementaire juif) le prie de revenir au sujet du programme, et laisser la justice procéder. Artin évoque alors les orphelines de "Hom skull" qui sont prises comme captives dans les bras d'insectes. Ilyas Sami lui dit de dire toute la vérité, et de préciser que tous les turcs maudissent ces exactions. (p.144).

§17. Ilyas Sami Efendi répond à Artin que le Vali (arménien) de Van a commis de graves exactions à Van, causant la mort de 62% de la population musulmane (100.000 environs), en complotant avec les russes et reproche à Boshgezenian d'accuser tout le monde pour des exactions qu'ils déplorent comme lui. (p.144)

§18. Artin Boshgezenian lui réplique que le parlement a été informé de ce qu'il souhaitait partager (p.144).

§19. Artin achève en soulignant qu'il prie Allah de châtier les traîtres qui ont trahi l'empire Ottoman où ils ont partagé les mêmes terres pendant 600 ans. A la page 150, un autre parlementaire ottoman arménien, Dirkan Barsamian, demande la parole (p.144).

§20. Dirkan Barsamian revenient sur le problèmes des veuves et des orphelins dispersés sur le territoire entre les mains de musulmans (p.150).

§21. Ilyas Sami réplique que le Vali de Van qu'Artin a mentionné comme son ami à envoyé tout un régiment d'Arméniens pour soutenir les envahisseurs russes. Nalbantian réplique qu'il a fait ce qui est de son plein droit, appuyé par le Président Woodrow Wilson... (p.158)  
§22. Bedros Nalbantian souligne que tout un peuple à été condamné pour la cause des exactions de certains d'entre eux. Il souligne que les déportations se sont étendues loin des fronts (voire carte de l'armistice de Moudros), et que cela ne peut pas se cacher aux yeux (pp.160-161).

§23. Ce document continue ensuite en reprenant le cours du programme de l'Assemblée, sans qu'Artin Boshgezenian ni d'autres parlementaires ne mentionnent d'autres faits touchant notre domaine d'étude (p.161 et s.).

B-4.2. Ce procès verbal témoigne que les parlementaires et membres du Comité Union et Progrès comptaient des parlementaires arméniens pendant et après les faits, et que les exactions commises étaient discutées au sein du Parlement et poursuivis en justice pendant les événements de 1914-1918 (§15). La principale inquiétude d'Artin Boshgezenian qui dénonce par moment des crimes contre les innocents ressort comme le dispersement du peuple Arménien de son territoire historique (§9), conduisant à des pertes de vies et des conditions de vie pitoyables (§7, §8, §9, §10). Il mentionne la situation terrible des veuves et orphelins (§9), et quelques crimes qu'il confirme avoir été portés devant la justice durant la déportation (§10, §12, §13). Mais reproche aux dirigeants d'être laxistes ou insensibles, et de ne pas poursuivre suffisemment tous les coupables d'exactions (§12, §13). Dikran Barsamyan revient sur la sitation des veuves et des orphelines (§20), Bedros Nalbantyan critique la déportation de centaine de milliers d'Arméniens, à cause d'une partie d'entre eux, et affirme qu'ils ont recherché leur droit en s'alliant militairement avec les Russes à Van (§21, §22).


B-5. Zor et les autres provinces, une véritable Arménie pour les arméniens déportés [4] :
B-5.1. L'historien Raymond Haroutioun Kévorkian décrit comme les arméniens déportés avaient transformé les provinces où le pouvoir ottoman les a transférés en une Arménie :
(Nous verrons plus loin dans le document doc.16. que la déportation devait effectivement assurer une réimplantation des arméniens déportés de sorte à leur garantir de pratiquer leurs activités professionelles et pécuniaires.)
"Grâce à l’écrémage et aux décès des déportés victimes de la famine et des épidémies, Zor respectait grosso modo les ordres consistant à maintenir sur place une proportion «raisonnable» d’Arméniens. Quand les normes étaient dépassées, les autorités locales recouraient à l’expédition de petits convois en direction de Mossoul pour continuer l’écrémage. Cette situation pouvait perdurer tant que le flot des nouveaux arrivants était en quelque sorte contenu par l’implantation plus ou moins provisoire des déportés dans les camps des régions d’Alep et de Ras ul-Aïn. Cela permit à une quinzaine de milliers d’Arméniens de s’établir dans la ville et même de s’y organiser, tandis qu’un camp de transit était établi, comme à Rakka, sur l’autre rive de l’Euphrate. (...) Comme à Rakka, les Arméniens n’avaient pas tardé à dynamiser le commerce et l’artisanat local, encouragés en cela par le mutessarif Ali Souad bey, que la plupart des sources nous présentent comme un homme éduqué et bienveillant, à côté de gens débrouillards qui avaient rapidement su s’adapter aux circonstances et développer une activité quelconque, il faut cependant noter un nombre considérable de femmes ou de vieillards accompagnés d’enfants qui survivaient dans des conditions effroyables sur la rive gauche de l’Euphrate, hors de la ville, dans des huttes de branchages. Lorsque le successeur d’Ali Souad, Salih Zéki, fut nommé, en juillet 1916, ce dernier constata néanmoins que leur situation était encore trop enviable : « Le jour de son arrivée, il fit le tour des quartiers, surtout du marché, où il fut particulièrement irrité de voir l’état florissant des Arméniens. Ces derniers en avaient fait une véritable Arménie — comme à Damas, Hama, Homs — et le marché était en grande partie entre leurs mains. La plupart étaient des artisans, généralement actifs, qui produisaient un curieux contraste avec la population locale »."

B-5.2.  Les missives et télégrammes envoyés pour superviser les déportations et les évasions :
(Kévorkian mentionne des télégrammes envoyés pour garantir l'expulsion des insurgés arméniens, et renvoyer les fuyards qui s'enrôlaient dans les légions étrangères depuis Alep vers les régions prévues pour leur réimplantation.)
"Si la décision de ratisser toute la région d’Alep et de ses environs fut prise vers décembre 1915 et janvier 1916, il fallut pour le moins un certain temps à la Sous-direction des Déportés avant de pouvoir la mettre en œuvre avec efficacité. (...) La dispersion de milliers de déportés — non sans une certaine habileté certains étaient parvenus à se dissimuler dans des localités arabes de la région ou à Alep — dans des villages ne facilita pas non plus la tâche des employés du Sevkiyat, ainsi sans doute, ..., que les interventions de Djémal pacha, le patron de la IVe armée." 
"Un premier télégramme-circulaire envoyé par Talaat aux préfectures et sous-préfectures de province le 10 novembre 1915 demandant à chacun de cesser de déplacer les déportés arméniens, de les stabiliser dans leurs lieux de résidence. Un autre télégramme du ministre de l’Intérieur, daté du 22 février 1916, ..., fait en effet remarquer que « le texte du communiqué général concernant l’arrêt de la déportation des Arméniens a donné lieu, dans certains endroits, à une interprétation selon laquelle plus aucun Arménien ne devait désormais être chassé. Pour cette raison, nombre de gens nuisibles parmi les personnes connues n’ont pas été éloignées »."
"Il n’est donc pas étonnant de constater que ce n’est qu’au cours des mois de février, mars, avril et, surtout, en mai et juin 1916 que la ligne de l’Euphrate fut véritablement envahie par les convois de rescapés des camps du nord. (...) Fin juin 1916, les derniers nettoyages opérés dans la région d’Alep et sur la ligne de l’Euphrate provoquèrent un augmentation exceptionnelle du nombre de convois arrivant les uns après les autres à Zor à la suite d’un ordre de Talaat adressé à la préfecture d’Alep le 29 juin demandant que les derniers Arméniens soient expulsés vers Zor.

B-5.3. L'insubordination de Salih Zéki à ses supérieurs, et les massacres qu'il organisait dans la région :
(Nous avons mentionné plus haut au point B-2.2. les exactions de Zéki entre Zor et Ra'sul ayn soulevées par le parlementaire arménien Artin  Boşgezenyan, et la poursuite en justice durant les déportations. Kévorkian explique comme Zéki Bey était insubordonné à ses supérieurs hiérarchiques, recrutait des criminels pour éliminer des dixaines de millers d'arméniens. Il se servait de Tchechènes ayant dû fuir la Russie, et des Circasiens ayant dû migrer dans les provinces du Sud en colère contre les Arméniens ayant soutenu les russes contre eux. Salih Zéki sera poursuivi, jugé et condamné à mort.)
" Zéki ... eut cependant à affronter la politique des autorités militaires qui visait alors à recruter toute personne valide pour la construction des infrastructures nécessaires à l’opération Yıldırim, montée contre les Britanniques établis à Bagdad, supervisée et dirigée par Liman von Sanders et le général Moustapha Kémal. (...) Zéki refusa d’obtempérer aux ordres des militaires, fit arrêter et enfermer ces recrues dans l’hôpital de Salihiyé, puis, quelques jours après, les expédia vers Marat avec leurs familles. Ayant obtenu de l’état-major de l’opération Yıldırim l’autorisation de lever des soldats parmi les déportés, Nourredine bey engagea aussi 550 jeunes gens âgés de vint-et-un à trente ans qui furent regroupés dans la caserne de Kechla, toujours dans le quartier de Salihiyé. Mais Zéki veilla à ce qu’ils restent sans eau ni nourriture durant sept jours. Ceux qui survécurent à cette cure — il y eut des cas d’anthropophagie — furent finalement expédiés enchaînés vers Souvar par la route directe du désert. En cours de route, quelques Tchétchènes recrutés par Zéki à Ras ul-Aïn les arrêtèrent et commencèrent à les attacher cinq par cinq, lorsqu’un Zeytouniote réussit à abattre deux de ces çete. Après une brève résistance, les conscrits furent abattus par petits groupes et dépouillés de leurs vêtements derrière un petit monticule. Dès lors il ne subsistait plus à Zor que fort peu d’hommes âgés de dix-huit à quarante ans. Débarrassé de ce danger potentiel, Zéki tira les leçons de ses premières expéditions et décida de recruter un plus grand nombre de Tchétchènes pour mener à bien la liquidation d’une telle masse humaine. Pour ce faire, il fit un bref voyage à Ras ul-Aïn d’où il ramena encore près d’une centaine de çete — ils s’étaient acquis une belle réputation lors du massacre des internés du camp de Ras ul-Aïn, quelques semaines auparavant. Dès lors la machine se mit en route. Habituellement, dès qu’une dizaine de milliers de déportés étaient concentrés sur l’autre rive du pont de Zor, Zéki organisait leur expédition vers Marat, un autre camp situé à cinq heures au sud, à quelque distance de l’Euphrate..."

B-6. L'institution de tribunaux civils entre 1915-1919 :
B-6.1. Copie d'une missive de 1915 exigeant d'instraurer des tribunaux civils pour juger les exactions rapportées dans le cadre de la déportation :

(doc.2.) Missive datant de 1915, commandant d'instituer des tribunaux pour juger les exactions commises par certains officiers qui font des abus d'autorité contre les arméniens lors de la déportation. Il y a eu 67 condamnations à mort avant 1918 dans des tribunaux civils, avant la cour martiale de Mazhar de 1919. Plus de 1.600 poursuites en justices durant les déportations et 1.397 condamnations entre septembre 1915 et l'Armistice de Moudross.


B-6.2. Synthèse des jugements de personnes maltraitant les arméniens lors de la déportation ou faisant preuve d'abus de pouvoir à leur égard :

Durant les déportations, entre septembre 1915 et juin 1916 en tout 1.673 personnes comptant des militaires, fonctionnaires, et des civils furent poursuivies dans des tribunaux civils. 67 furent condamnées à mort, 524 emrpisonnées, et 68 condamnées à des peines divers tels que des travaux publics ou l'exil. A la veille de l'Armistice de Moudross, en tout 1.397 personnes furent poursuivies et condamnées pour raison de maltraitance ou d'abus de pouvoir à l'encontre des arméniens dans le cadre de la déportation [5].
B-6.3. Télégrammes envoyés dans le cadre de la supervision de la déportation :

(doc.3.) Télégramme envoyé vers İzmit, Eskisehir, Kutahya, Karahisar, Hudavendigâr, Konya, Ankara, Adana et Haleb, de la Direction de la Sureté Générale recommandant d'user des fonds de la gestion de la déportation pour leur assurer l'approvisionnement en pains (1333.L.20.)

 
Traduction :

"Rappel d'approvisionnement en pains pour trois à quatre jours, à partir du fond de gestion de la déportation dans les stations de repos et de veiller au confort du transfert." (18 Aout 1915)

Source : DH. ŞFR, 55/341 Belge No: 1


(doc.4.) Télégramme envoyé à la province de Konya commandant d'assurer les arrêts de repos des arméniens déportés en veillant à assurer leur sécurité. (1333.Z.4; DH. ŞFR, 56/381)
Traduction :

"Il a été convenu que le convoi d'arméniens sera réalisé par voie terrestre (ndt. non par le fleuve). Veiller à leur assurer des repos en assurant leur sécurité. Talaat." (04 Aout 1915)
Source : DH.ŞFR 56/381 Belge No: 1  



C. Le Rôle de l'Organisation Spéciale :
C-1. Lettre de Talaat Pacha à Enver Pacha :

C-1.1. La publication récente par Murat Bardakci de documents en possession de descendants des acteurs du Comité Union et Progrès à l'instar de l'épouse de Talaat Pacha, qui est le promoteur de la loi tehcir de mai 1915, a suscité depuis sa publication un ravivement sur la décortication des détails des plans politiques des membres du Comité Union et Progrès, dans les milieux académiques qui sont à ce jour peu diffusés dans les milieux profanes en dehors des milieux érudits. Le chercheur a de même réussi a obtenir des lettres privées de courriers échangés entre Talaat et Enver, entre autres, qu'il a également publiés dans le premier tomes d'une série de documents inédits qu'il s'apprête à continuer à publier en plusieurs tomes... La publication inédite du fameux cahier à la couverture noire de Talaat Pacha offre parmi les documents publiés, des informations chiffrées tant au sujet des migrations massives, de minorités arméniennes, grec pontiques ou autres au sein du territoire ou au delà des frontières de l'empire ottoman rétrécissant, que concernant les migrations massives d'autres populations depuis les territoires occupés aux fronts vers les régions encore sous le contrôle turc, et qui présente également des données chiffrées, des statistiques, des graphiques au sujet de ces bouleversement démographiques et de leurs effets dévastateurs et financiers.

C-1.2. Dans l'une des lettres de Talaat à Enver datant du 1 Juillet 1919 [6], (voir scann de la lettre infra) comptant parmi les documents inedits, un passage en particulier apparaît particulièrement intéressant, voici la transcription du passage en question en caractères latins, et la traduction vers le français (faite par nous) :
« (...) Nous avons lu les gazettes d'Istanbul jusqu'à la date du 25 mai. Ils accusent les amis en raison de l'Organisation spéciale. L'organisation spéciale aurait soi-disant réalisé les déportations des arméniens et des grecs, et commis certains des actes terribles. Et cela tiendrait de la responsabilité de l'organe central du comité union et progrès. Il s'entend que les responsables et le procureur général ont démissionné ne parvenant pas à obtenir de résultat. Ils semblent les avoir envoyés à Malte ne parvenant pas à les inculper. (...) [note 2][7] »


 
(doc.5.) Scann de la lettre de Talaat Pacha adressée à Enver Pacha où il écrit en privé la bêtise à chercher un lien entre la Loi Tehcir et la "soi-disant" fonction de l'Organisation Spéciale dans la déportation des Arméniens et des Grecs, et "certains actes terribles" dirigés vers ces populations. Datée du 1e Juillet 1919.


C-1.3. Ce courrier privé échangé entre Talaat et Enver qui est sorti de l'ombre dans les mémoires des descendants des acteurs principaux donne un éclairage intéressant sur la question de la fonction hypothetique de l'organisation Spéciale dans les pertes de vies lors des déportations.

C-1.4. Les éléments de l'Organisation Spéciale étaient impliqués pour de nombreux actes illégaux et criminels pouvant aller selon les lois en vigueur de l'époque jusqu'à la peine de mort tel que le contre-espionnage, la propagande contre le Sultan, l'organisation secrète, les guets-apens, spéculations boursières ou encore coups d'état. La destruction des documents hautement compromettants qui est soutenu comme visant à effacer des exactions contre les arméniens apparaît ainsi erronée selon cette lettre privée de Talaat Pacha. La destruction de documents compromettants s'expliquant pleinement sans devoir supposer une crainte concernant des supposées exactions envers les arméniens.

C-1.5. La culture de vendettas caractéristique des kurdes perpétrant des attaques violentes contre des villages arméniens en réponse à des attaques d'éléments de leurs clans ou tribus par les révolutionnaires arméniens joue dans la suspiscion d'un rôle d'une Organisation secrète dans les attaques civils des arméniens. Les brigands Circasiens, Tchechènes ayant dû migrer au gré de l'avancée russe aussi, ont conduit certains à soupçonner une organisation de massacres dirigées par les putschistes. Le rôle de l'organisation Spéciale dans les massacres d'arméniens à été considérée avec caution par des spécialistes à l'instar de Philipp Stoddard, qui est l'historien qui a à ce jour fait le plus de recherches au sujet de l'Organisation Spéciale.

C-1.6. La lettre de Talaat Pacha susmentionnée touchant l'accusation d'une implication de l'Organisation Spéciale dans le génocide arménien semble d'autre parts se conforter par la part des pertes humaines consécutives à des agressions. Voici le bilan des conséquences de la déportation selon R. H. Kévorkian :
" La question essentielle qui se pose concerne bien sûr, parmi les quelque 870 000 déportés qui arrivèrent dans les déserts de Syrie et de Mésopotamie, le nombre des rescapés qui subsistaient lorsque l’armistice fut signé, à l’automne 1918, ou le nombre de déportés qui trouvèrent la mort dans les camps de concentration, sur les routes ou au cours des massacres organisés à Ras ul-Aïn et Deir-Zor. Le moment est donc venu de tenter de tirer un premier bilan à partir des matériaux que nous venons de présenter.
D’après ces derniers, les pertes humaines peuvent être évaluées ainsi :

— Camp de transit de Bozanti (été-automne 1915): c. 10 000 morts de la famine et des épidémies.
— Camp de concentration de Mamoura (été-automne 1915): c. 40 000 morts de la famine et des épidémies.
— Camp de concentration d’Islahiyé (août 1915-début 1916): c. 60 000 morts de la famine et des épidémies.
Camps de travail des tunnels de l’Amanus (Mai-juin 1916): 30 000 personnes (ndt. prisonniers de guerre) massacrées sur la route de Marach et au-delà en plusieurs convois.
— Camps de concentration de Radjo, de Katma et d’Azaz (automne1915-printemps 1916): c. 60 000 morts de la famine et des épidémies.
— Camps de concentration de Bab et d’Akhtérim (octobre1915-printemps 1916): c. 50 à 60 000 morts de la famine et des épidémies.
— Camps de concentration de Lalé et Téfridjé (décembre1915-février1916): c. 5 000 morts de la famine et des épidémies.
— Camps de concentration de Mounboudj (automne1915-février1916): 0.
— Alep et les camps de concentration de sa périphérie (été1915-automne 1918): c. 10 000 morts de la famine et des épidémies.
— Camp de concentration de Ras ul-Aïn (été 1915-avril 1916): c. 13 000 morts de la famine et des épidémies et 40 000 massacrés dans les environs.
— Camp de concentration de Meskéné (novembre 1915-avril 1916): c. 60 000 morts de la famine et des épidémies.
— Camp de concentration de Dipsi (novembre 1915-avril 1916): c. 30 000 morts de la famine et des épidémies.
— Camp de transit d’Abouharar (novembre 1915-avril 1916): 0.
— Camp de transit d’Hamam (novembre 1915-avril 1916): 0.
— Camp de concentration de Sébka (face à Rakka) (novembre 1915-juin 1916): c. 5 000 morts de la famine et des épidémies.
— Camps de concentration de Deir-Zor-Marat (novembre 1915-décembre 1916): 192 750, dont environ 40 000 morts de la famine et des épidémies et 150 000 massacrés entre Souvar et Cheddadiyé *.
— Région de Mossoul (automne 1915-janvier 1916): c. 15 000 personnes massacrées par le général Halil bey en janvier 1916.
— Régions de Hama/Homs/Damas/Amman/Hauran/Maan (automne 1915-été 1916): c. 20 000 morts sur les 132 000 déportés de la ligne [4]. "  

C-1.6.1. * Ce massacre a été mentionné plus haut, d'après Artin Boshgezenian (cf. §10. B-4.1. supra) comme ayant été l'oeuvre d'un Vali dérangé, à savoir Salih Zéki Bey, qui a été poursuivi avant la fin des déportations, mais il s'est évadé, et a été rejugé et condamné à mort à contumas le 28 avril 1920 [8]. Artin Boshgezenian mentionne ses massacres, avec un nombre différent néanmoins (70.000 à 80.000 de l'aveu du coupable selon le parlementaire arménien). Ce crime n'est donc pas imputable à l'Organisation Spéciale, Salih Zéki a recruté des Circasiens et organisé les massacres par haine personnelle et été condamné une première fois en 1916 et une seconde fois en 1920. Le général Halil Bey a de même été arrêté le 4 avril, et s'est évadé de prison [9].

C-1.6.2. La part des pertes humaines consécutives à des attaques de convois apparaît faible, 70.000 personnes parmi les 924.158 déportés, soit 7,5%, comparé aux évaluations du nombre total de morts parmi les déportés. Dépêcher une organisation secrète pour laisser la quasi totalité périr par des épidémies ou la famine semble douteuse, inutile et compromettante.


C-2. Documents d'Andonian :
C-2.1. Les britanniques et les exilés de Malte :

La question du génocide arménien ne peut être traitée sans mentionner les documents d'Aram Andonian. Ces fameux documents qui ont été démontrés être des faux, dont des originaux n'ont jamais été produits par Andonian -et dont l'analyse rigoureuse des copies par des spécialistes démontre l'origine de propagande- sont néanmoins cités comme sources dans la plupart des publications traitant du génocide arménien.

Selon Aram Andonian, ces documents ont été retrouvés par les par les troupes du général britannique Edmund Allenby. Or, les Britanniques se mettant en quête de preuves à charge contre les détenus de Malte n'ont pas recouru à ceux-ci. Les recherches Britanniques ne donnèrent pas de résultats en sorte que le Foreign Office dû se tourner vers les archives de Washington. Dans sa réponse à Lord Curzon, le Chargé d’Affaires de l’Ambassade Britannique à Washington, R.C. Craigie, répondit ainsi :

"J’ai le regret d’informer son Excellence que nous n’avons rien trouvé qui put servir de pièce à conviction contre les Turcs actuellement détenus à Malte... aucun fait concret qui put constituer une base suffisante pour une inculpation... Les dits rapports ne semblent pas, en tout cas, contenir d’informations préjudiciables à ces Turcs, ni d’informations utiles pour confirmer celles déjà en possession du gouvernement de sa Majesté..." [10]

Ne sachant quoi faire de ces prisonniers ayant déjà passé deux ans en captivité sans jugement et sans avoir été officiellement inculpés, le Foreign Office demanda l’avis du Conseil de la magistrature à Londres qui émit l’avis suivant le 29 juillet 1921 :

"Jusqu’à présent, aucun témoin n’a fait de déclaration susceptible de confirmer les accusations portées contre les prisonniers. Il semble fort douteux qu’il puisse s’en trouver..." [11]

Les documents publiés par Andonian étaient disponibles lors du jugement des exilés de Malte et, malgré la nécessité pressante de pièce à conviction, les Britanniques ne les utilisèrent point devant un tribunal, du fait qu'il s’agissait de faux. Les détenus furent ainsi libérés en 1922.

Les fammeux documents d'Andonian ont en effet été publiés en français par M. S. David-Beg en 1920 à Paris, édité par l'imprimerie Turabian. Par ailleurs, ce sont les britanniques qui auraient eux-mêmes découvert ces dits documents lors de leur entrée à Alep. Andonian ne fournira par ailleurs pas les documents originaux au tribunal de Berlin, lors du procès de Tehlirian, en certifiant avoir vu les originaux.



C-2.2. Critique technique des documents d'Andonian [12] :

1 - Andonian appuie sa source d'information sur une signature du préfet d’Alep, Mustafa Abdulhalik. Or, les documents d’archives établissent que les signatures attribuées à Mustafa Abdulhalik sont fausses.

(doc.6.) A gauche, fausse signature dans les documents d'Andonian attribuée au Vali d'Alep, Mustafa Abdulhalik Bey. A droite, signature originale du Vali Mustafa Abdulhalik.

 
2 - Sur un des documents qu'il a publié, Andonian attribue aux apostilles et à la signature de Mustafa Abdulhalik une date à laquelle ce dernier n’était pas encore préfet d’Alep.

3 - L’ignorance, ou la négligence, du décalage existant entre le calendrier Ottoman et le calendrier Grégorien transforme, sur les documents, des dates antérieures en dates postérieures, et rend caduc tout le système de datation et de numérotage utilisé par Andonian.

4 - Les dates et les numéros attribués par Andonian à ses productions de documents n’ont rien de commun avec les dates et les numéros des documents authentiques de l’époque. En outre, Andonian commet par inattention l’erreur de porter les mêmes numéros sur des documents différents.

5 - Les groupes de chiffres qu’Andonian utilise dans certains télégrammes n’ont rien à voir non plus avec la véritable technique de chiffrage de l’époque. Ces erreurs auraient constitué des égarements invraisemblables de la part des responsables du chiffre. Il laisse également croire, contre l’évidence, que le même système de chiffrage serait resté en usage pendant six mois dans un pays en guerre ; et l’on sait que ce ne fut pas le cas.

6 - La maladresse avec laquelle ont été tracés les signes de "Basmalah", formule sacramentelle figurant en tête de tout document officiel, trahit un auteur qui ne les a probablement jamais utilisés de sa vie.

7 - On trouve parfois dans les faux documents des expressions qu’on ne peut, en fait, utiliser dans la langue Ottomane, qu’il s’agisse de lexique, de syntaxe ou de grammaire. De même, afin de "faire avouer aux Turcs leur propre culpabilité", l’auteur prête aux dirigeants Ottomans des phrases que le simple bon sens leur aurait interdit d’utiliser. Un autre signe évident de falsification des données (les trois ouvrages d'Andonian en anglais, en français et en araméen montrent la lattitude du journaliste à l'égard des sources qu'il produit et son manque manifeste de rigueur nécessaire pour une source d'une si haute importance).

8 - A l’exception de deux d’entre eux, les faux documents sont rédigés sur du papier blanc, ne portant aucune mention ou signe prouvant qu’ils proviennent de l’administration Ottomane. Deux d’entre eux sont rédigés sur des formulaires de télégramme des postes Ottomanes, mais cela n’est guère plus convaincant : n’importe qui pouvait s’en procurer facilement.

9 - Ces faux documents n’ont pas été pris en considération par les Britanniques, qui recherchaient pourtant, avec insistance, des preuves pour faire passer en jugement les "Turcs responsables des massacres d'Arméniens".

10 - Il n’est guère logique que les documents qu’Andonian présente comme hautement secrets aient été envoyés par simple courier, ce qui les porte à la connaissance de plusieurs personnes. Ils auraient dû l’être par courrier spécial. (De même, il est improbable que de tels documents si compromettants aient été conservés pendant trois ans au lieu d’être détruits.)

11 - Les faux documents présentent, si l’on compare les versions Anglaise et Française du livre d’Andonian, des différences qu’il n’est pas possible de qualifier d’erreurs de traduction ou d’erreurs matérielles. Elles sont dues au manque de rigueur qui a présidé à toute cette entreprise de production et de propagande.

12 - Enfin, des écrivains reconnaissant le génocide arménien, et se faisant leurs porte-parole, manifestent un certain scepticisme quant à l’authenticité des documents d’Andonian.



D. Quelques Données Statistiques et Démographiques :
D-1. Le fameux carnet noir de Talaat Pacha [note 3] présente des données d'une importance centrale, en tant qu'archive personnelle de l'auteur principal du décret promulguant les déportations d'arméniens des régions hostiles vers d'autres régions encore sous l'autorité ottomane au moment des déportations. Partageons les données démographiques en question avant d'en faire une analyse plus précise :

D-2. La liste des réffugiés musulmans fuyant les Balkans durant la guerre de Balkans [13] :


Villes et
départements
Population 

Foyers
Edirne
112.129 
26.220
Ankara 
29.785 
5.952
Adana
5.737 
1.436
Erzurum
5.104 
913
Aydin 
89.603 
25.928
Beyrut
1.019 
221
Alep
1.068 
227
Hüdavendigâr
214.310 
45.294
Syrie
9.178 
2.236
Sivas
61.171 
13.926
Kastamonu
34.308 
7.515
Mâmtrelâziz 
336
87
Bitlis 
4.723 
925
Konya
126.295 
16.452
Izmit 
56.373 
12.813
Catalca
8.681 
2.114
Karesi 
65.565
14.118
Kal'a-i Sultaniye
29.495 
10.198



Total
854.870 
186.575



Iskord
2.800
650
Manastir
2.192
565
Yanya
??
??
Selanik
4.846 
1.353
Kosovo
61.314 
12.579



Total intégral

926.022
21.722

D-3. La liste des réfugiés musulmans fuyant les Balkans après la guerre de Balkans [14] :

Provinces
Population
Foyers
Adana
6.381
1.276
Ankara
9.335 
2.111
Aydin
145.320 
29.128
Edirne
81.542 
17.368
Erzurum
 1
Istanbul
3.609
259
Alep
10.504
2.099
Hüdavebdigâr
18.317
4.650
Syrie
3.187
637
Sivas
10.605
2.169
Kastamonu 
88
16
Konya
3.511
638
Mamurtelâziz
242
48
Van
27
5
Izmit
6.771
1.153
Eskisehir
9.088
1.236
Bolu
566
118
Canik
3.875
619
Catalca
5.980
785
Karesi
14.687
2.961
Kal'a-i Sultayiye
2.980
785
Kayseri
1.445
328
Mentese
855
171
Nigde
_
_



Total

339.074 
62.704
D-4. La liste des nombre d'arméniens déportés par régions [15] :


            Provinces            
A Déporter
Ankara
47.224
Erzurum
128.657
Adana
46.031
Bitlis
109.521
Alep
34.451
Hüdavendigar
66.413
Diyarbakir
61.002
Sivas
141.592
Trabzon
34.500
Mâmuretülâziz
74.206
Izmit
54.370
Canik
26.374
Karesi
8.290
Karahisar
7.327
Kayseri
47.617
Maras
27.101
Nigde
5.101
Konya
4.381


TOTAL

924.158

D-4.1. La litse des arméniens du territoire ottoman restant sous le contrôle ottoman avant la fin du Comité Union et Progrès [16] :


Provinces
Arméniens non déplacés
Arméniens déplacés
En voyages
Population en 1914
Ankara 
12.766
410 
4.560
44.661
Musul 
253 
7.033
0
0
Nigde 
193
850
547
4.939
Izmit 
3.880
142
 9.464
56.115
Kütahya 
3.932
680
0
4.023
Eskisehir 
1.258
1.096
547
8.620
Bolu 
1.539
551
 9.464
3.002
Afyonkarahisar 
2.234
1.778
0
7.498
Içel 
252
116
1.104
350
Karesi 
1.852
124
56
3.002
Kayseri 
6.650
111
1.484
7.498
Adana 
12.263
4.257
0
350
Maras 
6.115
198
1.696
8.663
Sivas 
8.097
948
6.778
47.974
Beyrut 
50
1.849
19.664
51.724
Kastamonu 
3.437
185
2.010
27.306
Konya 
3.730
14.210
3.993
13.078
Aydin
11.901
5.729
0
1.224
Syrie
0
34.409
0
0
Zor
201
6.778
0
63
Hüdavendigar
2.821
178
10.251
59.038
Alep
13.679
13.591
19.091
37.031
Urfa
1.114
6.687
451
15.616
Erzurum
0
0
3.364
125.657
Bitlis
0
0
1.061
114.704
Van
0
0
160
67.792
Diyarbakir
0
0
1.849
56.166
Trabzon
0
0
562
37.549
Elâziz
0
0
2.201
70.060






97.247
106.910
94.206
1.031.614
Istanbul
80.000
0
0
80.000

177.247

94.206
1.112.614

106.910



  
284.157





D-4.1.1. Les provinces écrites ici en orange sont hors d'accès et du domaine de contrôle des ottomans lors du dernier recensement de la population arménienne figurant dans la seconde colonne. Il est à souligner que pour la Syrie qui est occupée en partie, une partie des donnée ont pu être communiquées à Talaat, que pour Alep et d'autres provinces non occupées, des données partielles lui ont été communiquées.


D-4.1.2. Les provinces d'Elâziz (Elazig actuelle), Diyarbakir, Trébizonde (Trabzon), Erzurum, de Bitlis et de Van étaient occupées par les forces russes après la fin des déportations, il n'est pas étonnant que des informations n'aient donc pas pu être procurées dans ces régions avant le démantèlement du Comité Union et Progrès le 1e novembre 1918.

D-4.1.3. Une résistance arménienne à Mamuret'ül âziz, Diyarbakir, Trabzon, Erzurum, Bitlis et à Van quelques années plus tard montre que des Arméniens continuaient bien à résider dans ces zones sous occupation entre la fin des déportations et la reconquête d'après l'Armistice de Moudros.


Carte de la région, selon les limites des zones de contrôles par puissances déterminées lors de l'Armistice de Moudros le 10 Août 1918. Le tableau supra montre une population de
0 pour certaines provinces occupées au moment du dernier recensement communiqué à Talaat Pacha mises en rouge dans notre article remontant à avant l'Armistice de Moudros.


D-4.2. Notice de bas de page de l'archive de Talaat Pacha :

" Fin 1330 (1914) les arméniens grégoriens composaient une population totale de 1.187.818 et les arméniens catholiques étaient au nombre de 63.967, l'ensemble des deux populations faisant ainsi 1.256.403 arméniens s'étant inscrits dans les registres. Du fait que tous ne se trouvaient pas inscrits, le nombre réel peut atteindre 1.500.000, ainsi il ressort qu'il faut rajouter environs 30% au nombre de 284.157 pour une donnée plus fiable, ce qui conduit à conclure que le nombre des arméniens étant restés sur le territoire doivent être au nombre de 350.000 à 400.000 [16]. 
(note de bas de page de Talaat Pacha)

D-4.3. Document américain datant du 3 Février 1916 sur le nombre des déportés vers la Syrie selon un rapport américain :




    (doc.7.) Syrie et région s'étendant jusqu'à Maan       
100.000 
Hama et environs
12.000
Homs et villages des environs
20.000 
Alep et villages des environs
7.000 
Maara et villages des environs
20.000
Bab et villages des environs
8.000
Mumbidge et villages des environs
5.000
Ras al'ayn et villages des environs
20.000
Rakka et villages des environs
20.000
Deyrizor et villages des environs
300.0
Total 
486.000


D-4.3.1. Nombre des arméniens déportés en Syrie en février 1916, environs 277.000 d'entre eux sont documentés comme étant réinstallés dans le reste du territoire Ottoman, principalement à Adana et à Istanbul.

D-4.3.2. Le nombre d'arméniens surnuméraires dans certaines provinces entre le dernier recensement rapporté dans le carnet de Talaat Pacha et l'avant traité de Sèvres correspond assez fidèlement avec la migration à contre-sens de 1921.


D-4-4. Archive datant du 11 décembre 1918 en français au sujet de certaines régions datant du 11 décembre 1918 [17] :



D-4.4.1. Ce document (doc.8.) fait mention des quelques 250.000 arméniens réfugiés dans le Caucase non repris dans les documents précédant déjà analysés.

D-4.4.2. Les autres nombres semblent fortement sous-estimées, puisqu'à partir de 1919 plus de 277.000 arméniens seront réimplantés dans la province d'Adana et dans d'autres provinces depuis la Syrie. L'auteur de la lettre précise ne pas pouvoir certifier avoir recensé toute la population.

D-4.4.3. Nous reviendrons infra sur d'autres recensements et une évaluation plus récente du nombre des arméniens déportés encore vivant avant Sèvres (cf. infra E-3.).

E. La Loi sur le retours des arméniens déplacés et ses conséquences :

E-1. Un sujet qui est également rarement mentionné au sujet du programme de déportations est la loi du 5 Août 1918 sur le programme de retours des arméniens déportés (cf. documents infra). Cette loi qui a été publiée le dans la gazette Verçinlor à la date du 10 Août 1918 avait suscité beaucoup de joie chez la diaspora arménienne à l'époque. Qui avaient adressé leur gratitude envers le sultan Mehmed Resad.



(doc.9.) Arrêté recommandant le retours les arméniens qui le souhaitent sur le territoire Ottoman.


(doc.10.) Arrêté recommandant le retours les arméniens qui le souhaitent sur le territoire Ottoman.


(doc.11.) Arrêté recommandant le retours les arméniens qui le souhaitent sur le territoire Ottoman.

(doc.12.) Mention du retours dans un document en américain de 1921.



 E-3. Les Arméniens se trouvant dans les provinces de l'ancien empire ottoman manquants dans les notes personnelles de Talaat Pacha :





E-3.1. Dans ce document (doc.13), nous trouvons une partie des arméniens qui se trouvent en dehors de la zone de contrôle des nouvelles frontières de l'empire Ottoman avant le traité de Sèvres. Les provinces perdues évoquées plus haut sont comptabilisées dans ce documents-ci, nous trouvons ainsi 624.900 arméniens mentionnés comme résidant dans des provinces perdues par les ottomans avant le traité de Sèvres.

E-3.2. Ce nombre est le plus récent concernant les populations arméniennes déportées recensées en dehors des nouvelles frontières de l'empire Ottoman à la veille du traité de Sèvres.

E-3.3. Les arméniens qui ont migré avant Sèvres en direction de l'Arménie, de la Russie, de la France et vers d'autres destinations sont à prendre en considération dans la tentative d'évaluation des survivants de la déportation.


Provinces
Notes de Talaat Pacha
Avant Sèvres
Différence
Ankara
17.736
5.500
              < 12.236    
Moussoul
7.286
800
< 6486
Nigde
1.590


Izmit
13.478


Kutahya
4.612
7.000
> 2.388
Eskisehir
2.901


Bolu
11.554
10.000
< 1.554
Afyonkarahisar
4.012


Içel
1.472


Karesi
2.032


Kayseri
8.245


Adana
16.520
150.000
> 133.480
Maras
8.009


Sivas
15.823
19.500
> 3.677
Beyrut
21.563


Kastamonu
21.640
500
< 21.140
Konya
21.993
12.000
< 9.993
Aydin
17.630
10.000
< 7.630
Syrie
34.409


Deir Zor
6.979
3.600
< 3.600
Hudavendigar
13.250
15.500
> 1.750
Alep
46.361
57.000
> 10.639
Urfa
8.252
9.000
> 748
Erzurum
3.364
1.800
< 1.564
Bitlis
1.061


Van
160
8.800
> 8.640
Diyarbakir
1.849
31.000
> 29.151
Trabzon
562
12.000
> 11.438
Mamurat al Âziz
2.201
35.000
> 32.779
Istanbul
80.000
156.000
>76.000

(Déportés=106.910)


Nicomédia

20.000
> 310.690
Edirne

6.600
- < 64.203
Kale-i sultane

900
-------------
Karessi

5.000
246.484
Césarée

7.500

Canik

1.000

Maarah

9.000

Jérusalem

4.000

Damas

400

Bagdad

1.000

Basra

400

Balikesir

2.000

Harput

5.000

Illisible
106.910
5.000


246.484
Total=624.900


59.700
Différence=59.700

DEPORTES VIVANTS
413.097




E.3.4. Le nombre des 924.158 déportés recensés comme vivants de façon fiable à la veille de Sèvres est ainsi de 413.097. Ceux qui sont fondés comme morts de façon documentée étant d'autre parts de (80.000 + 40.000 + 30.000 + 15.000) 165.000.



(doc.14.) La population arménienne à travers le monde en 1921.


E-4. Bilan sur le nombre des déportés demeurant sous l'autorité ottomane, en dehors des restes du territoire, et des pertes humaines sous l'optique des documents et archives (voir supra) :

E-4.1. Nous avons pu lire supra au tableau §D-4.1., que 177.247 arméniens sont demeurés chez eux sans être déportés ou migrer d'eux-mêmes jusqu'en 1918. Que 106.910 arméniens déportés vers des provinces intérieures demeurent à l'intérieur du territoire contrôle par le pouvoir ottoman à la résiliation du Comité Union et Progrès. Et que 94.206 en voyage lors des recensements n'ont pas pu être trouvés physiquement chez eux.

E-4.2. Il faut tenir compte des arméniens ayant quitté le territoire entre 1916 et 1918 vers l'Arménie, la Russie, l'Amérique et vers d'autres destinations. Les arméniens cachés chez des amis, ou enlevés au sein de certains clans comme captives..



F. Analyse documentée de la répartition des arméniens résidant sur le territoire ottoman ou restés en dehors de nouvelles frontières aux lieux où ils ont ét transférés entre 1914 et 1916 :


F-1. Nombre des déportés dénombrés à l'intérieur des zones de contrôle ottomanes en 1918 : 106.910 (voir supra).

F-2. Nous avons souligné supra qu'il faut éviter de tomber dans la simplification, car d'une parts, le nombre des arméniens cachés ou enlevés par certains, et d'autre parts les déplacements qui se sont réalisés entre les différents recensements et les redondances de certaines données pour certaines provinces ayant successivement changé de frontière au gré des recensements rendent une analyse rigoureuse douteuse... Cette évaluation est seulement une approximation et non un conclusion rigoureusement exacte.

F-3. Nous pouvons selon les différentes hypothèses, évaluer le nombre de pertes humaines arménienne à entre 200.000 et 600.000 selon les variables incertaines.

F-4. Nous avons mentionné supra qu'un Vali de Deyrizor aurait massacré 70.000 à 80.000 arméniens, avant le procès verbal mentionné datant de 1918, qui aurait été jugé et condamné durant les déportations. À considérer parmi les arméniens manquants comparativement à ceux qui ont été déportés.

F-5. 177.247 sont demeuré chez eux durant les faits.

F-6. 94.206 n'étaient pas chez eux lors du dernier recensement et n'ont pas pu être physiquement vus lors du dernier recensement.

>> Remarque : 924.158 (nombre des déportés) + 177.247 (arméniens restés sur place non touchés par le programme de déportation) = 1.101.405 or cela se rapproche des 1.112.614 enregistrés dans les registres des populations fin 1914, avec une différence de 11.209 individus non localisés (il y avait des migrations spontanées régulièrement avant et pendant les déportations, des militants mourant aux fronts, ou dans des attaques venant des clans locaux en réponse à des attaques de villages kurdes par des éléments de la FRA...).

Ci-dessus, la croissance démographique d'Erevan entre 1827 et 2007 (ISTAT, wikipédia). Un passage de 12.500 habitants en 1890 à 34.000 habitants en 1917 (après les déportations) est relevé pour la capitale de la future Arménie qui sera reconnue un an plus tard. Soit une migration d'environs 21.500 individus. Un témoignage des migrations d'arméniens vers la Russie durant la première guerre mondiale.


F-7. 924.158 d'entre eux ont été déplacés loin des fronts. 486.000 de ceux-ci demeurant hors du domaine contrôlé par les ottomans en Syrie, en 1916, et 106.910 dans des régions encore sous contrôle ottoman. 250.000 arméniens réfugiés dans le Caucase est encore à rajouter au nombre des arméniens rapportés comme ayant survécu aux événement à l'aube du 10 août 1920. 177.247 n'ayant pas été déportés, et 94.216 non retrouvé chez eux lors du dernier recensement. Ces données montrent qu'environs 1.114.373 arméniens étaient encore vivants de façon certaine en février 1916.

F-8. Nous pouvons faire, à la lumières de ces données également une approximation du nombre des arméniens déportés qui peuvent avoir péri avant Sèvres.
  • En effet, il semble établi que 106.910 parmi les déportés demeuraient dans les nouvelles frontières de l'Empire Ottoman.
  • Il faut également ajouter à ce nombre les 277.000 arméniens réinstallés à Adana et à Istanbul.
  • On peut également ajouter les 122.700 figurant exclusivement dans le recensement américain d'avant Sèvres, et les 250.0000 arméniens qui ont migré vers le Caucase.
  • Ce qui fait 755.700 parmi les 924.158, avec une différence de 168.458, dont le sort de 80.000 à Zor a été mentionné supra, ainsi que celui des quelques 70.000 morts consécutivement à des attaques de convois, également mentionnés supra.
  • Néanmoins, la part de la migration dans le Caucase depuis l'Anatolie ou depuis les zones de déportations demeure insoluble.
  • Le sort des déportés connu est ainsi comme suit : 106.910 demeurés sur le territoire restant sous contrôle ottoman, 277.000 revenus après 1921 (à Adana et Istanbul), 122.700 recensés à la veille de Sèvres en Syrie-Mésopotamie, 80.000 morts entre Zor et Ra'sul Ayn à cause d'un Vali dérangé, 15.000 morts à cause du général Halil à Moussoul, et environs 70.000 morts dans des attaques de convois (671.610) ; le sort des 252.548 restant étant les migrations en Arménie, Russie, France, ..., la mort sur les fronts, les enlèvements, les conversions, ou la famine et les épidémies dévastatrices les conduisant à la mort.

F-9. La difficulté des ambassadeurs à localiser et recenser les déportés dans leurs zones de contrôle montre la difficulté pratique à localiser les populations, permettant de justifier la notice susmentionnée de Talaat Pacha au sujet du nombre effectif d'arméniens du territoire, et concevant que beaucoup ont échappé aux déportations (qu'il estime de l'ordre de 30%).

F.10. La population arménienne officiellement localisée et reprise dans les registres des populations fin 1914 est de 1.112.614, dont 924.158 sont pris dans le progremme de déportation vers les provinces du Sud. Parmi eux, 177.247 sont selon les notes personnelles de Mehmet Talaat demeurés sur place. Ce qui soutend qu'une partie indéterminée des arméniens pris dans le programme de déportation a réussi à s'évader des convois (cf. photo infra) avant d'arriver aux lieux de destinations. Une partie de ceux-ci ayant migré dans le Caucase.


Photo d'arméniens s'évadant de wagons de déportations.

 F-11. La part des arméniens enrôlés dans les rangs des assaillants parmi les évadés, et les pertes humaines relevées lors de la résistance des populations à subir la dépotation est également à considérer en amont des pertes humaines.


G. Annexes :

Quelques documents d'archives au sujet des déportations d'arméniens :

G-1. Arrêté sur la décision de déporter les arméniens des zones de soulèvements vers des zones non hostiles (doc.15.) :



Traduction :


En raison de résistances au pouvoir en période de guerre, cet arrêté (provisoire) a été promulguée au sujet des mesures à prendre par les forces armées :


Article 1 : En ces temps de guerre, en situation ou les commandants de l'armée et ses corps et des divisions militaires sont confrontés à une opposition aux décisions politiques, ou à des actes de violence armée fragilisant la défense militaire ou troublant l'ordre public ; les forces armées sont dans le devoir de les rappeler à l'ordre, de les arrêter et si nécessaire de les éliminer.

Article 2 : Les commandants de corps et de divisions armées confrontés à des résistances ou actes d'espionnage de résidents de villages ou de cités sont habilités à les déplacer en partie ou en totalité dans le respect des conventions militaires.

Article 3 : Cette loi est en vigueur depuis le moment de sa promulgation.

Article 4 : Le commandant suprême adjoint et ministre de la Défense est tenu de garantir l'exécution de cette loi. Cette loi a été présentée au parlement et votée au sein de l'assemblée générale et consiste en une loi émise par le pouvoir étatique en vigueur.

13 Rajab 1333, 26 Mai 1915


Mehmed Reşad grand vizir, commandant en chef et le vice-ministre de la guerre Mehmed Said Enver



G-2. Raisons qui ont conduit le gouvernement à décider de déporter les arméniens (doc.16.) :




Traduction :

Raisons politiques nécessitant la déportation des arméniens et leur transferts :


"Le Conseil des ministres a reconnu et proclamé cette proposition de loi."


Bureau des relations extérieures. Copie du document : (326758/270 840).

31 mai 1915



Une partie des arméniens vivant à proximité de la zone de guerre complique nos opérations militaires contre les ennemis et la protection des frontières de l'Empire ottoman ; Ils rendent difficile les fournitures et le transport de matériel militaire et la nourriture, et sont dans l'ambition de coopérer et d'agir ensemble avec l'ennemi, certains ont également rejoint les rangs de l'ennemi, et ont organisé des attaques contre les forces militaires nationales et des civils innocents, ont fourni des armes à la marine ennemie, et leur ont indiqué les forteresses et montré les positions stratégiques. Ces éléments insurgés doivent être retirés du théâtre des opérations. Ce processus va commencer à fonctionner de façon imminente. les arméniens vivant à Van, Bitlis, dans la province d'Erzurum, à Adana, Mersin, sauf pour les campagnes et les centres, à Jabal-i Barakat, la brigade de Kozan ; la bannière de Maras sauf le centre ; à Alep à l'exception du district central de la province, à Alexandrie, Beylan, Jisrisug ; les arméniens vivant dans le district d'Antakya des villes et villages alentours seront expédiés d'urgence en destination de provinces du sud. Les arméniens expédiés seront déplacés à Moussoul à la frontière de la province de Van ; à Urfa, sauf dans la partie sud du centre ; Dans la partie orientale de la province d'Alep et en Syrie dans la partie est et sud de la province, et ils seront installés dans l'espace alloué. L'application de ce processus a été jugé avisé pour les intérêts fondamentaux de l'Etat et s'inscrit dans l'optique des conventions de l'arrêté n°270 publié en date du 26 mai 1915, et ont été débattus au sein du Conseil des ministres. L'issue des pourparlers a conduit à la conclusion qu'il est nécessaire de garantir la pérennité de l'état et de garantir sa stabilité et l'ordre public, les décisions du ministère de mettre en pratique cette question est claire et décisive, votre ministère est habilité à commencer l'exécution de cet ordre. Les arméniens résidant dans les régions susmentionnées seront transférés de façon convenable, leur repos sera assuré lors du voyage, leurs biens et leurs vies seront protégés et nourris jusqu'à ce qu'ils atteignent leurs lieux de destinations, leurs propriétés et situation économique seront compensés par la distribution de champs et de terrains équivalents. Pour les nécessiteux, des maisons seront construites par le gouvernement, pour les agriculteurs, les semences, les outils de travail, et équipements seront distribués. La valeur des biens qu'ils ont laissé derrière eux et leurs biens dont il se trouvent privés seront restitués de manière équivalente ou en valeur. Les biens immobiliers des villages et zones quittées seront distribués aux migrants après la détermination de leur valeur, quantité et genres. Les biens immobiliers tels que culture d'oliviers, mûriers, des vignes et des magasins avec des orangers, la fondation d'usine, que les migrants ne pourront pas gérer seront vendus aux enchères ou loués et le coût total de la vente aux enchères ou la location de ces biens tels qu'auberge ou entrepôt seront investis temporairement dans la caisse de l'état au nom des propriétaires afin de le leur faire parvenir. Dans le but de garantir les dépenses nécessaires pour l'application de ces conventions décidées par notre ministère, en matière de protection des biens et leur gestion, l'accélération, l'étude, l'organisation et application de leur installation, la mise en place de commissions pour garantir le respect de toutes ces conventions, la commission des fonctionnaires requise, leurs déplacements nécessaires, le fond financier ainsi obtenu pourra être utilisé, l'envoi dans la région d'un directeur assisté par deux fonctionnaires et leurs commissions désignés l'un par le ministère de l'intérieur et le second par le ministère des finances directement en relation avec leurs ministères respectifs seront dépêchés sur place, la supervision de l'exécution des conventions étant sous la responsabilités des Valis sur place. La décision a été communiquée au ministère de la Défense et au ministère des Finances. Une missive a été rédigé pour cette fin par votre direction.




G-3. Arrêté sur les dispositions à prendre concernant la gestion des biens immobiliers des arméniens déportés (doc.17.) :




Traduction :

Réglementation au sujet des dispositions à prendre concernant les biens et terrains des arméniens transférés en raison de la situation de guerre et des difficultés politiques.


Article 1 : Les biens immobiliers, propriétés et terrains abandonnés par les arméniens transférés dans d'autres régions et plusieurs missions seront gérés et mis en application par les organes compétents selon leurs domaines de compétences suivant les dispositions rédigées dans les articles suivants.

Article 2 : Tous les biens et bâtiments abandonnés dans les villages et villes évacués seront scellés immédiatement et mis sous protection par des officiers jugés appropriés ou une délégation désignés par le conseil d'administration.

Article 3 : Après la mise sous protection des biens, identifiés et enregistrés selon leurs genres et quantités avec la mention de leurs propriétaires, ceux-ci seront transférés afin d'être mis sous protection vers les lieux tels qu'églises, écoles, ou résidences jugées appropriées à être affectées comme entrepôts et y seront rangés soigneusement avec la mention des noms de leurs propriétaires séparément par types et genres ; des registres indiquant les endroits où ceux-ci ont été rangés, leur lieux de provenance et les noms de leurs propriétaires devront être dressés, dont des exemplaires originaux et certifiés par l'administration locale seront envoyés au Conseil d'Administration des biens Abandonnés.

Article 4 : Les biens mobiliers dont les propriétaires ne pourront pas être identifiés devront être enregistrés au nom du village où ils ont été trouvés.

Article 5 : a. Les biens mobiliers susceptibles d'entrer en péremption ou à se dégrader et les animaux seront vendus ouvertement (devant témoins) aux enchères par une délégation désignée par le Comité, et les bénéfices seront disposés en dépôts à la caisse de la gestion et protégé au nom de leurs propriétaires si ceux-ci ont pu être identifiés ou au nom des lieux où ils ont été trouvés le cas échéant.

               b. Les produits vendus, leurs types, leur quantité, leur valeur, la mention de leurs lieux de provenance, de leurs propriétaires, des clients les ayant achetés aux enchères et les prix d'achat seront consignés en détails dans un registre spécial. Les documents des ventes aux enchères devront être consignés par le Comité dans des registres, tels que décrits dans la copie originale des biens abandonnés, et les autorités locales devront les communiquer au Conseil d'Administration.

Article 6 : Les objets, tableaux et livres saints trouvés dans les églises devront être consignés dans des cahiers joints aux registres en veillant à être mis sous protections là où ils ont été trouvés afin d'être envoyés chez les villageois de la paroisse dans les lieux où ils ont été transférés.

Article 7 : Les biens mobiliers, immobiliers, et terrains abandonnés par la population transférée seront listés suivant leur type, genre, quantité et valeur avec la mention de leurs propriétaires et les bâtiments et bien immobiliers des villages et villes seront enregistrés, dressés, et communiqués au conseil d'administration.

Article 8 : En cas de récoltes trouvées sur les propriétés et terrains abandonnés, ceux-ci seront vendus aux enchères par une commission chargée pour cette tâche, les bénéfices obtenus seront déposés dans à la caisse de gestion, en veillant à rédiger des registres sous contrôle du pouvoir local, et communiqués après confirmation au Conseil Administratif.

Article 9 : Dans le cas où des clients ne seront pas trouvés pour la vente de ces biens récoltés, il a été jugé avisé de les allouer moitié-moitié entre deux migrants suivant caution et contrat à ceux qui le souhaitent, en sorte que les frais ainsi obtenus soient de même déposés à la caisse de gestion afin d'être transférés à leurs propriétaires.

Article 10 : Aucune modification ne devra être apportée sur les registres ainsi dressés au sujet des biens immobiliers de la population transférée et après rédaction des procurations. 

Article 11 : Des migrants seront installés dans les villages évacués, et les maisons et terrains seront distribués aux familles dans le besoin avec les moyens de travailler les champs, en leur donnant des documents provisoires.

Article 12 : Les migrants ainsi installés seront inscrits dans les registres des populations de façon détaillée, avec mention du nombre de foyers, les noms, leurs lieux de provenance et sites d'installation, les maisons et terrains qui ont été mis à leur disposition seront consignés dans des cahiers selon leur type, genre, quantité et suivant leur valeur, et des documents mentionnant les biens immobiliers, propriétés et terrains dans le but de leur installation leur seront procurés.

Article 13 : Les bâtiments et arbres encore debout des villages étant sous la protection et la responsabilité indirecte des migrants, en cas de vandalisme ou de destruction de ces biens, les migrants responsables devront être identifiés et éloignés de la région et la valeur des dégâts être exigée de l'ensemble des villageois en retirant de ceux-ci tout droit d'usage de ces biens endommagés.

Article 14 : Les villages demeurant vides après l'installation des migrants seront peuplés par les tribus suivant les mêmes conditions et procédures susmentionnées.

Article 15 : Les résidences des villes et villages évacués seront peuplés par des citadins ou des campagnards suivant la capacité des migrants à entretenir et faire valoir ces régions, en veillant à leur procurer suffisamment de terrain et de moyens pour cette fin.

Article 16 : Les biens tels que commerces, auberges, usines, hammams, ou entrepôts pouvant garantir des revenus non susceptibles d'être confiés aux migrants ou restants non distribués, ou étant comme mentionné dans l'article 18, non susceptibles à être valorisés par les migrants suivant leurs occupations professionnelles et compétences, devront être vendus aux enchères par un comité composé du président et des officiers civils et financiers de la région.

Article 17 : Un cahier enregistrant les noms des migrés installés dans les villes et villages, ainsi que les terrains octroyés à ceux-ci mentionnés en terme de type, quantité et valeur sera tenu.

Article 18 : a. Les vignobles, jardins, orangers, champs d'oliviers situés dans les villes et villages, ou dans leurs périphéries, ainsi que les biens immobiliers similaires, seront attribués aux migrants aptes à les protéger et les entretenir, en leur donnant des certificats avec la mention des garants, en fonction de leurs besoins et compétences. Des documents mentionnant la nature et la quantité des biens ainsi distribués seront procurés aux migrants après avoir été consignés dans des cahiers prévus pour cette fin.

                   b. Les biens mentionnés dans cet article n'ayant pas pu être distribués seront vendus aux enchères comme stipulé dans l'article 16.

Article 19 : Les migrants trouvés dans les provinces qui sont transférés vers d'autres provinces avec l'autorisation et l'approbation des autorités locales, ou renvoyés depuis d'autres provinces sur ordre du ministère des affaires intérieures, seront considérés séparément, et installés sous le statut de migrants dans les villages et les villes évacuées ; les personnes se présentant pour demander à être installés seront enregistrés, en exigeant qu'ils présentent un document confirmant qu'ils sont sous le statut de migrants ou qu'ils sont transférés depuis d'autres provinces afin d'y être installés.

Article 20 : Les biens immobiliers, propriétés et terrains ne trouvant pas de preneur pourront être loués pour une durée maximale de deux années à condition d''assumer les dégâts matériels, et d'assurer la protection ou de payer les frais de réparation en cas de dégradation et présenter pour cette fin un garant fiable.

Article 21 : Les biens, propriétés et terrains vendus, ou loués ou alloués moitié-moitié, seront consignés avec mention du lieu, des détails de la vente, de la valeur de la location, les noms du locataire et de l'acheteur dans des registres.

Article 22 : Les bénéfices obtenus pas les ventes et locations seront confiés à la caisse de gestion au nom des propriétaires afin de leur être transférés.

Article 23 : La supervision de ce protocole de gestion de toutes les propriétés présentes dans les villages et les villes évacuées est du devoir central du Conseil d'Administration des biens Abandonnés..

Article 24 : Les organismes de supervision seront directement liées au Ministère des Affaires Intérieurs, et seront chargés d'exécuter leurs missions sous son autorité ; l'administration locale devra être avisée de toute instruction qu'ils ont reçu en vue d'être mis en application.

Article 25 : a. L'organisation de la commission et de l'assemblée chargés de la protection des biens abandonnés et de l'exécution des articles de cette directive, pourront, avec l'approbation et suivant les directives du Ministère des Affaires Intérieures faire appel du service d'officiers rémunérés pour la mise à exécution de ces tâches, en tenant un cahier de charges sous la responsabilité du Conseil d'Administration des biens Abandonnés..

                   b. Des exemplaires des cahiers tenus et les documents de déclarations seront envoyés aux Valis Locaux.

Article 26 : La charge financière des tâches de réaménagements des lieux évacués et l'installation des migrants étant de la responsabilité du Comité de Gestion de l'Immigration, c'est néanmoins le Conseil d'Administration des biens Abandonnés qui est habilitée et missionnée pour garantir la rapidité du processus de réaménagement et le bon déroulement des missions, de la bonne supervision et analyse des décisions prises au cours de leur mise à exécution en collaboration avec les Autorités Locales.

Article 27 : Le Comité a le devoir de communiquer dans les 15 jours les décisions qu'il a prises consécutivement à ses observations à un Ministère ou à l'Autorité Locale.

Article 28 : La mise en application des mesures imposées par cette directive de la par les officiers des autorités locales est une obligation, au sujet de la gestion des biens susmentionnés par le Conseil d'Administration des biens Abandonnés..

Article 29 : Les responsables des Finances du Conseil d'Administration des biens Abandonnés. sont équitablement responsables de la gestion et de la protection des biens abandonnés.

Article 30 : Les commissions chargées de la gestion des biens abandonnés seront composées d'un directeur, ainsi que de deux officiers responsables respectivement d'une commission de gestion, et d'une seconde, des finances.

Article 31 : La communication sera assurée par les directeurs, ou par un élément missionné pour cette tâche en leur nom.

Article 32 : Le Directeur du Conseil d'Administration des biens Abandonnés peut missionner un élément qu'il juge qualifié pour cette tâche, pour l'analyse, la supervision ou l'exécution de ces directives.

Article 33 : Les membres du Conseil d'Administration des biens Abandonnés. seront rémunérés à raison d'un lira et demi par jour aux directeurs, et de un lira aux autres éléments, et les frais de voyages seront assurés en cas de voyage.

Article 34 : La mise en application des provinces pour lesquelles des commissions n'ont pas été désignées devront être mise en application par les autorités locales.


(27 Rajab 333 / 28 Mai 331) - 10 Juin 1915



G-4. Arrêté sur les dispositions humanitaires à prendre lors des déportations (doc.18.) :





__________________________

[1] Mikael Varandian, Histoire de la FRA (1932), Publications de l'université d'Erevan, 1992, pp. 212-213.
[2] Gérard Chaliand et Yves Ternon, 1915, le génocide des Arméniens, Bruxelles, Complexe, 2006, p. 189 (partie écrite par Gérard Chaliand).
[3] TBMM 18 Teşrinisani 1334 (1918).
[4] Raymond H. Kévorkian, RAHC II, Partie I. Axes de déportations et camps de concentration.
[5] Şafak Ural, Kâzım Yetiş, Feridun Mustafa Emecen, Çeşitli yönlerden Türk-Ermeni ilişkileri, p.196. Université d'İstanbul (2006).
[6] Murat Bardakçı, Talat Paşa'nın Evrak-ı Metrukesi, Everest Yayınları (2008). ISBN 978-975-289-560-7 ; OCLC 318327565., page 157.
[7]  Talat Paşa'nın Evrak-ı Metrukesi op. cit., page 35.
[8] İkdam, 1 Mayıs 1335 (1 Mayıs 1919), nr. 8337; Alemdar, 30 Nisan 1336 (30 Nisan 1920), nr 498.
[9] Tasvir-i Efkâr, 4 Nisan 1335 (4 Nisan 1919), nr. 2694.
[10] Archives du Foreign Office, Londres, 371/6504/E 8745.
[11] 13 juillet 1921 ; Archives du Foreign Office, Londres, 371/6504/8519.
[12] Sinasi Orel et Sureyya Yüca, The Talât Pasha Telegrams : Historical Facts or Armenian Fiction ?, Londres, Oxford University Press,‎ 1983, 178 p., traduction : Affaires arméniennes, les « télégrammes de Talât Pacha » : fait historique ou fiction ?, Paris, Triangle / Société turque d'Histoire,‎ 1983, lien : [PDF] Ouvrage sur les télégrammes de Tâlat Pasha, par S. Orel, publié en 2006 [archive]
[13] Talat Paşa'nın Evrak-ı Metrukesi op. cit., page 39.
[14] Talat Paşa'nın Evrak-ı Metrukesi op. cit., page 77.
[15] Talat Paşa'nın Evrak-ı Metrukesi op. cit., page 109. 
[16] Document n°58. n°534 COPY. American Consulate Aleppo, Syria February 8 1916. US Source Department record group 59, 867, 48/171.
[17] Jean-Pierre RISSOAN, Articles‎ > ‎7. Histoire d'ailleurs‎ > ‎Proche-Orient‎ > ‎ Le drame arménien de 1915, avant et après… publié le 28 avr. 2015



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[note 1] " Ben diyorum ki : Türk Milletini itham ettikleri o cinayatı azime, idarei sabıka daha doğrusu, idarei çeteviye tarafından icra edilmiştir. Türklerin boynuna atılmış olan bu töhmet zincirinin en dehşetli halkası -ki Ermeni fecayi'idir- merkezde bulunan bir şirzimei kelime ile, o şirzimei kalilenin Vilayetta bulunan memurları; yani Valiler, mutasarrıflar, Kaymakamlardan, Jandarma Kumandanlarından, Polis Müdürlerinden tut da Jandarma Neferine kadar teşkilatı mahsusası felan, felanı tarafından yapılmıştır. Ben çok halim, selim, hamiyyetkar, insaniyetşiar, dindar Türkler bilirim ki o fecayi zamamnda benimle beraber kan ağlamışlardır. Ve bunu yapanlara lanethan olmuşlardır.("Bravo" sadaları) Bunu yapan yalnız efrad mı ? öyle şehirler vardır ki onlar halis, muhlis Türk şehirleridir; bu şehirlerin Müslüman ahalisi, biçare ermeni vatandaşlarını bu tehcir zulmünden kurtarmak için Hükümetin vermiş olduğu emre, Melmeketçe muhalefet eylemiştir. Fakat o verilen zalim emri bu veçhile ortadan kaldıramamışlar ve her kim Hükümetin emrine, icraatına muhalefet ederse onları kapısının önünde asmak gibi harekat karşısında bilahire bu zalimane emre serfuru etmişlerdir. " (Artin Boşgezenyan)

[note 2] « (...) Mayıs'ın yirmi beşine kadar olan İstanbul gazetelerini okuduk. Arkadaşları Teşkilât-ı Mahsusa'dan dolayı itham ediyorlar. Gûya bütün Ermeni ve Rum tehcirini ve bir takım fenalıkları Teşkilât-ı Mahsusa yapmış. Bu da İttihat ve Terakki Merkez-i Umumisi'ne tabi imiş. Bundan bir netice çıkaramadıkları reis ve muddeiumumilerin mutemadiyen istifa ettikleri anlaşılıyor. Mahkum edemeyeceklerini anladıklarından dolayı, Malta'ya gondermiş olacaklar. (...) »


[note 3] Murat Bardakçı, Talat Paşa'nın Evrak-ı Metrukesi, Everest Yayınları (2008). [ISBN 978-975-289-560-7 ; OCLC 318327565.] * Ce carnet a une couverture noire et comptait 77 feuilles, dont deux se sont détachées dans la partie traitant des immigrés en provenance des Balkans, et il se termine à la page 58.

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